La construction des prix dans les initiatives d’accès à une alimentation digne et de qualité



🔵 Sortir du « don » - Les motivations et difficultés pour aller vers un approvisionnement local et durable
Toutes les initiatives interrogées, qu’elles aient ou non été créées sur le modèle de récupération d’invendus et de dons, affichent un souhait fort de permettre une alimentation de qualité et digne aux personnes en situation de précarité. Quelques soient leur histoire, les initiatives ont voulu développer des approvisionnements locaux et durables.

Certaines initiatives venant du modèle de l’aide alimentaire ont remis en cause cet approvisionnement par le don d’invendus. Elles critiquent la qualité et le manque de diversité des produits distribués via cette filière. Les initiatives se sont détachées du système de don dans le but d’améliorer le service rendu aux personnes en termes de dignité, de durabilité et de qualité des denrées. De même, aller vers des approvisionnements locaux et de qualité permet d’attirer une clientèle non-précaire afin de construire des lieux en mixité, favorables à un accès plus digne à l’alimentation. Cette stratégie peut également s'inscrire dans des politiques locales ou des valeurs politiques et militantes fortes.

Sortir du don et des invendus afin d’améliorer le service rendu


  • Diversifier l’offre pour aller vers une alimentation digne et choisie

Une motivation que l’on retrouve très souvent dans leurs discours/parcours est la volonté de diversifier l’offre alimentaire proposée. Vivres Solidaires est une jeune initiative marseillaise portée par deux associations : Marhaban et Destination Famille. Vivres Solidaires a dans un premier temps construit son approvisionnement avec des commerçants du quartier en organisant des collectes de proximité. Une fois l’agrément d’aide alimentaire obtenu, l'initiative s’est tournée vers les banques alimentaires. Néanmoins cette dernière ne convainc pas pleinement, en témoigne une salariée engagée sur le projet Vivres Solidaires : "Cette filière d'approvisionnement n'est pas suffisante. Elle est essentielle car elle nous permet de maintenir notre action, mais on voit bien qu’au bout de trois mois de distribution de la même boîte de ratatouille on aimerait bien travailler autre chose. Il y a plein de produits manquants, on aimerait bien diversifier l'alimentation des familles qu’on accompagne". L’initiative Vivres Solidaires remet donc en question l’offre des Banques Alimentaires en termes d’équilibre, de diversité et de dignité de l’alimentation proposée aux familles qui en bénéficient. A partir de la plateforme d’aide alimentaire qu’ils ont acquise et développée ces derniers mois, les deux associations souhaitent créer "un outil complémentaire type épicerie sociale et solidaire", et tenter d’aller vers une plus grande mixité de publics : "Est-ce que par ce biais-là, à la fois on arriverait à diversifier nos outils, les publics touchés et peut être d'une certaine manière diversifier nos formats d'approvisionnement ? Est-ce qu’à terme, on pourrait atteindre cette fameuse mixité des publics ?". Pour cette initiative qui est en plein questionnement, la diversification des approvisionnements serait aussi un levier qui lui permettrait d’élargir sa clientèle.

Cette stratégie a aussi été choisie par Epicentre, une épicerie sociale et solidaire de Lyon. Pour eux, la diversification et la montée en qualité des approvisionnements est nécessaire pour atteindre progressivement la mixité et attirer une clientèle solidaire qui contribue au modèle économique de l’épicerie. L’initiative a l’ambition de proposer un service d’épicerie de quartier, avec la même gamme de produits, permettant ainsi d’aller vers une alimentation choisie : "Dans l’offre qu’on a établie, on essaye de pouvoir regrouper toute la sphère de types de produits qu’on peut proposer pour que le bénéficiaire portant le projet puisse avoir le choix" explique un responsable d’Epicentre. L’association s’approvisionne donc toujours à la banque alimentaire qui reste leur fournisseur principal en quantité mais diversifie sa gamme et monte en qualité en proposant aussi des produits bio et locaux : "On a eu plus de 600 nouveaux produits bio et locaux en 2021".

Pour Cocagne Alimen’Terre, une initiative de Cocagne Haute-Garonne acheter des produits à des producteurs locaux est un moyen de répondre à une demande croissante, la seule production sur leurs jardins s’avérant non suffisante. Compléter le contenu des paniers avec des producteurs locaux était aussi l’occasion de pouvoir proposer aux adhérents et bénéficiaires des denrées qu’ils n’étaient pas capables de produire eux-mêmes. Cela leur a permis de compléter leur offre en termes de quantité, mais également de diversité.

  • Sortir des invendus pour aller vers une alimentation de qualité

Les initiatives de solidarité alimentaire sortent d’un approvisionnement par les dons d’invendus car la qualité des produits issus de cette filière ne les satisfait pas. "On a la banque alimentaire qui est notre principal fournisseur en terme de quantité, on va se retrouver sur les produits qui sont de moins bonne qualité", confie un salarié d’Epicentre. La qualité est réellement remise en cause par les associations et leurs bénévoles et cela constitue pour elles une motivation importante à se tourner vers d’autres marchés. Apparaît alors la question : Comment définir la "qualité" ? Pour les initiatives qui sortent d’un système d’approvisionnement par invendus, cette question se pose différemment que pour celles où ce sujet est central dès l’origine du projet. En effet, certaines définissent la notion de qualité en amont du projet alors que d’autres s’y confrontent en cours d’activité.
Les associations se réfèrent donc à des labels ou à leur connaissance de la production et du monde agricole. Pour la Drogheria par exemple, ce sont des produits "de saison, issus de l’agriculture paysanne ou raisonnée et des circuits courts". Toutes les initiatives valorisent à la fois l’aspect environnemental et social de leurs approvisionnements et nombreuses sont celles qui choisissent les critères "bio et local" pour définir cette qualité.

Les initiatives interrogées sont la plupart du temps confrontées à leur propre précarité financière (cf. partie E) qui les freine dans leur fonctionnement. Développer les approvisionnements locaux est chronophage et plus encore lorsque l'initiative - et c’est le cas d’une majorité d’entre elles - souhaite faire participer les consommateurs/et ou adhérents. Les membres des associations aboutissent souvent à un consensus autour du bio et du local pour définir la qualité, témoignant de la renommée et de la confiance accordée par les initiatives à ces deux caractéristiques. Par ailleurs, ces produits sont considérés comme étant en général moins accessibles. Cette définition de la qualité par le local et le bio permet donc à la fois de répondre à cette injustice et est également une façon pratique et rapide pour les initiatives de répondre à la définition de la qualité.

Certaines initiatives se lancent dans l’élaboration de chartes pour arriver à une définition partagée de la qualité des produits distribués. A l’Esperluette, une charte a été rédigée en collaboration avec les membres du Conseil d’Administration de l’association. Une bénévole très impliquée dans l’association explique que le comité d’élaboration de cette charte a dû composer avec les visions de la qualité de chacun : "en général en écrivant "dans la mesure du possible…" on arrivait à mettre tout le monde d’accord".
Epicentre est également en train de construire une charte et fait face à la complexité des questions que cela soulève. L’objectif de ces chartes est d’aboutir à une vision partagée de la qualité des produits souhaités, en allant plus loin que les critères "bio"/"local" et en s’intéressant par exemple aux modes de production tels que la taille des exploitations, les techniques culturales utilisées, etc.

A la Cagette, il n’y a pas de volonté de mise en place d’une charte pour le choix des produits, "l’usage voulant que l’on essaye toujours de proposer une version "vertueuse" (souvent bio) et une version "prix". Cependant, si, à prix et qualité équivalents, nous pouvons privilégier un approvisionnement local, nous choisissons cette solution", explique l’association sur son site internet. Les Escales Solidaires valorise des produits qui sont "soit bio, soit locaux, soit les deux". Pour Cocagne Alimen’Terre, "le cahier des charges c’est bio et local, c’est à dire 31, Ariège et Gers". Nous retrouvons donc bien les critères "bio" et "local" qui sont valorisés.

Le critère local - dans son application - fait l’objet de deux appréciations différentes. L'exemple de Cocagne Alimen’Terre cantonne le local à une vision fixe, ici limitée aux départements limitrophes. C’est aussi le cas de la restauration collective qui travaille à l’échelle des départements ou région. A l’inverse, certaines initiatives développent une définition plus souple en fonction des produits qu’ils souhaitent proposer. L’Esperluette, épicerie montpelliéraine, fait par exemple appel à des producteurs espagnols pour s’approvisionner en agrumes. La 5e saison définit également la qualité et le local de cette manière : "On fait que de produits bios, locaux, ça s'arrête aux Pyrénées ou en Espagne pour les fruits que l’on ne peut pas avoir jusqu’ici pour diversifier un peu". Un salarié d’Epicentre à Lyon présente ainsi une vision dynamique du local qui dépend des produits et des opportunités : "Pour moi "local" c'est la région au sens large. On essaie d'éviter d'aller trop loin, mais par exemple l'huile d'olive, elle vient de la région de Montélimar car on ne peut pas avoir de l'huile d'olive qui vient du Rhône. Il y a certains produits, on accepte d'aller un peu plus loin. Pour le vin, je reste dans la région, mais je suis aussi allé un peu plus dans le sud parce que dans le Sud il y a aussi de très bons vins. La logique c'est une logique intelligente de ce qu'on appelle local. Pour moi le local c'est pas la France voilà c'est beaucoup plus restreint." Les initiatives doivent également composer entre volonté de relocalisation de leurs approvisionnements et maintien d’une diversité de l’offre afin de ne pas trop contraindre le droit à choisir à son alimentation. Cela est particulièrement vrai pour les produits qui ne sont pas produits en France. "Quand on met du chocolat bio on se sert plutôt dans les biocoop ou tous les magasins bio, forcément lui il va venir de peut être plus loin, mais il va avoir par contre une éthique derrière ça. Il y a un enjeu bio, il y a un enjeu de circuit, de commerce équitable." Ainsi, ici, quand le critère "local" ne peut pas être complètement rempli, d’autres peuvent venir compenser pour assurer le caractère "durable" du produit.

Certaines initiatives veulent proposer des produits de meilleure qualité mais n’ont pas encore le modèle économique qui leur permettent de le faire. Elles choisissent donc de se maintenir dans des circuits d’invendus, mais privilégiant des magasins spécialisés bio par exemple.

De l’accompagnement social aux approvisionnements locaux de qualité : pour les initiatives, l’exigence d’un projet durable et global


Les associations et initiatives interrogées portent toutes des valeurs politiques et militantes fortes. Elles expriment une volonté de favoriser l’accès à tous à une alimentation de qualité et de soutenir des producteurs locaux. Plus globalement, les initiatives enquêtées militent pour des systèmes alimentaires durables. Toutes ont un engagement social qui se traduit souvent par un volet d’accompagnement des personnes qui bénéficient des produits alimentaires proposés par l’initiative. Cet accompagnement peut être par exemple des ateliers cuisine ou encore une aide administrative.

Voici quelques exemples :

  • Cocagne Alimen’Terre : "Il faut qu’on rende le bio accessible à tous", une vision portée par l’association
La création de l’initiative est notamment née du constat que les personnes en insertion produisaient mais ne consommaient pas des produits de qualité. La mise en place des paniers était aussi un moyen "d’impulser des changements de comportement alimentaire", en plus de donner accès à des produits de qualité à petits prix à des personnes qui en avaient besoin : "Permettre un accès à des aliments de qualité à petits prix s’accompagne d’ateliers cuisine parce qu’on s’est rendus compte que même si tu as accès à des légumes, quand tu n’en n’as jamais cuisiné, que tu ne sais pas comment faire ou que tu n’as pas les équipements, des fois ça finit à la poubelle". Dans cette initiative, l’ambition/la volonté de soutenir les producteurs locaux est forte. Certaines de leurs actions, telles que le développement d’un laboratoire de transformation et de conditionnement, sont réfléchies pour qu’à termes elles puissent également profiter aux producteurs de leur territoire.

  • Escales Solidaires et l’Esperluette : des lieux d’accueil conviviaux et d’entraide
Les Escales Solidaires sont des "tiers-lieux de quartier, chaleureux et conviviaux. On y vient pour faire des rencontres, discuter autour d’un café, partager un repas ou participer à un atelier". De son côté, L’Esperluette se décrit comme "un lieu de vie et d’entraide autour de l’alimentation durable, mais pas que… Café, épicerie vrac, groupement d’achats en circuit-court, solidarité alimentaire, cuisine dedans et dehors, four à pain mobile, échanges de services, soirées, ateliers…" Dans ces deux initiatives, l’objectif est de créer du lien entre les habitants et de permettre l’épanouissement de chacun.
Il s’agit également de créer un lien avec les producteurs locaux : "On essaie de développer aussi directement un contact avec les producteurs locaux pour essayer déjà de créer un lien avec eux et aussi pourquoi pas organiser des ateliers, etc. mais aussi voir à qui on achète", Escales Solidaires

  • Epicentre : une épicerie engagée pour soutenir des produits responsables
"De base la volonté de mettre en avant les fournisseurs locaux va de pair avec les valeurs d’Epicentre et ce que l'Association veut porter, à savoir des valeurs de solidarité, de responsabilité au niveau de l'environnement, d'avoir des produits qui ont un sens."
Dans ce cadre, l'association organise des visites d'exploitations ouvertes à toutes et tous : "On a beaucoup de porteurs de projets qui sont trop contents de pouvoir faire ça parce que soit ça peut être difficile pour eux de sortir, certains ça crée du lien social, c'est super pertinent de le faire."
Les producteurs peuvent également venir présenter leurs produits : "L'intérêt de travailler directement avec des producteurs, c'est que on va aussi nous réorganiser des temps où le producteur il vient le temps de 1h ou 2h montrer ses produits ce qui peut sensibiliser les adhérents, les personnes qui sont de passage dans l'épicerie, discuter avec les gens. C'est aussi ce qui fait que les personnes, les clients, les adhérents viennent à l'épicerie, c’est ce qu’ils cherchent."

  • La Drogheria : un système autogéré pour développer l'autonomie des personnes
Le fonctionnement de cette épicerie se base sur l’autonomie des personnes : "C’est un système d’auto gestion par rapport à l'achat à la Belle de Mai où la plupart des gens ont peur d'être volés. Les personnes prennent tout en charge jusqu'à l'encaissement : ils font la pesée, le calcul à la main, et ensuite l'encaissement." Ce système leur permet de former des personnes à diverses tâches et de les sensibiliser à l’achat en vrac et à l’alimentation saine et respectueuse de l’environnement et des producteurs. L’aspect social est très présent dans cette initiative : l’association organise beaucoup de formations, travaille notamment avec des personnes handicapées et a à cœur d’embaucher les personnes qu’elle forme ou de les accompagner avec Pôle Emploi.

  • 5e saison : une association issue de parcours militants
"L’asso s'est monté sur la ZAD qu’il y a eu à Montpellier donc on est tous un petit peu militants. C’est l’engagement politique pour une alimentation et agriculture meilleure et pour des combats militants autre. Dans l’asso, c’est vraiment l’éducation à l’environnement, à l’agriculture et la mixité sociale. On est sensibles à ces qualités là, environnementales, pour la santé, pour les agriculteurs, pour pleins de raisons et il nous paraissait logique que si on voulait aider les gens à manger et bien c’est bien de leur fournir du bio et du local et à aider les producteurs."


=> Un volet accompagnement soutenu par les financeurs
Cette démarche d’accompagnement social est très présente dans beaucoup d’initiatives enquêtées et est soutenue par leurs financeurs. En effet, c’est souvent ce composant accompagnement social qui leur permet de répondre à des appels à projets car la denrée seule est peu financée. "Sur ces appels à projet, que ce soit pour des financements publics ou privés, les axes de travail sont l’accompagnement social et la dynamique participative" soulève une salariée de Vivres Solidaires.
Certaines initiatives travaillent beaucoup avec des structures sociales qui facilitent leur mise en lien et leurs échanges avec les personnes bénéficiaires.

Les initiatives en lien avec la restauration collective se démarquent. Ce critère du label biologique s’inscrit dans le cadre de la loi Egalim qui demande qu’"Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous établissements chargés d’une mission de service public devront compter 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques". La loi Egalim définit la qualité assez largement en s’appuyant sur divers labels tels que Label Rouge, HVE, Bio, IGP, AOC/AOP, etc. A cette loi Egalim s’ajoute une volonté politique des élus locaux de soutenir des producteurs du territoire. Ainsi, les initiatives Resto Bio et de la collectivité de l’Etang de l’Or se tournent vers les producteurs locaux.

Resto bio est une société créée par le GAB (Groupement pour l’Agriculture Biologique) qui ne dépend pas directement des politiques de l’Etat mais dont les objectifs s’inscrivent dans ceux d’Egalim. Une salariée de la société explique :
- "Une des missions c’est effectivement d'apporter aux producteurs Bio des débouchés commerciaux rémunérateurs, les plus pérennes et durables possible et donc par la restauration collective, c'est aussi le maintien d'une activité dans les territoires, le soutien plutôt à une agriculture paysanne.
- Ça va être aussi justement l'accessibilité alimentaire en approvisionnant de façon privilégiée, je dirais puisque c'est le cœur de l'activité, la restauration collective et notamment scolaire. Donc un accès à une alimentation saine et durable, également pour les enfants"

Les enjeux auxquels Resto Bio ambitionne de répondre sont portés par le GAB 31 à l’échelle du tPrès de Montpellier, la communauté de communes de l’Etang de l’Or est accompagnée par le CIVAM locale et la Chambre d’Agriculture pour créer un GIEE maraîcher qui pourrait fournir la cuisine centrale du territoire : "On a là depuis plusieurs années un souhait de relocalisation de nos approvisionnements, essentiellement en bio. Puisqu'on ancre ça dans une dynamique plus globale de signal technico politique aux agriculteurs du territoire, et que tout ça rentre dans une problématique de protection de la ressource en eau. Un a un gros enjeu de protection de la ressource.", explique un chargé de mission à la Communauté d’Agglomération de l’Etang de l’Or. La relocalisation des approvisionnements fait donc partie de politiques de territoire plus globales portées par les acteurs publics.

L’approvisionnement mixte ou les difficultés de s’affranchir complètement des banques alimentaires et du don


  • La banque alimentaire, un avantage économique…

Les banques alimentaires permettent aux initiatives de proposer des volumes importants à leurs usagers. Souvent les banques alimentaires représentent une part conséquente des volumes achetés et vendus ou donnés, mais qu’une petite part du budget. Le prix des denrées vendues par les banques alimentaires est très faible. Les initiatives Vivres Solidaires et les Escales Solidaires achètent les denrées aux banques alimentaires 0.20€/kg. Epicentre achète les produits des banques alimentaires 10% de leur prix moyen du marché. La vente de ces produits est également encadrée par la loi. Le prix de vente par les initiatives des denrées obtenues via les canaux de l’aide alimentaire ne peut dépasser 10 % de leur valeur dite "mercuriale" (prix moyen relevé dans le commerce, grande et moyenne distribution).
Ce circuit d’approvisionnement permet aux associations de pouvoir fournir les quantités nécessaires aux personnes bénéficiaires à des prix très réduits. Par exemple, un salarié d’Epicentre affirme : "La banque alimentaire est notre principal fournisseur en termes de quantité".
L’avantage économique que présente les banques alimentaires est d’autant plus important pour les produits onéreux comme la viande. Une épicerie lyonnaise souhaite proposer des produits carnés de meilleure qualité, mais se confronte au frein économique que cela représente : "On dépense beaucoup d'argent dans la viande. Relocaliser la viande ce serait un vrai un budget à mon avis. Pour l'instant ce n'est pas envisageable mais on peut déjà essayer de réduire au moins notre consommation." L’Esperluette détaille ses difficultés à trouver l’offre de produits locaux à des prix accessibles pour l’association : "Dans la région en maraîchage, ceux qui font des produits de qualité peuvent les vendre sans difficulté à des tarifs un peu élevés, il y a plus de demande que d’offre".

Les initiatives qui s’affranchissent des banques alimentaires doivent repenser leur modèle économique et de financement.

Un financement qui commence peut donc être un facteur permettant de développer les approvisionnements bio et locaux. C'est ce qui s'est passé pour les Escales Solidaires : "On a répondu à un appel à projet pour avoir justement cette aide là pour 2021, pour pouvoir justement bénéficier d'une alimentation soit bio, soit locale, soit les 2. Donc grâce à cette subvention là, on arrive à se procurer de l'alimentation durable et pour l'instant, ce qu'on utilise principalement, c'est Bio Appro et on fait à peu près une commande toutes les 3 semaines."

  • … mais aussi logistique

Toutes les initiatives évoquent la logistique comme étant un enjeu important à la diversification et à la gestion des approvisionnements en produits locaux. Sans contraintes financières pour l’achat des denrées en raison de subventions conséquentes, Les Escales Solidaires mettent en avant l’avantage logistique des Banques Alimentaires : "J'essaye maintenant de prendre plus chez les producteurs, mais c'est tellement plus accessible. [...] Pour l'instant on a choisi la facilité avec la Banque alimentaire." Quand la salariée des Escales Solidaires évoque l’accessibilité du système des banques alimentaires, il s’agit bien d’une accessibilité à la fois économique et logistique. Elle ajoute qu’elle souhaiterait développer les approvisionnements auprès de producteurs locaux mais : "ça multiplie toutes les sources, en termes de commande, je pense que ça va être très compliqué à gérer. Pour moi ce serait bien qu'on ait un lien direct, qu'on puisse connaître le producteur, d'où viennent nos produits, échanger, qu'ils connaissent à qui eux ils “donnent” leurs produits. Enfin moi, c'est ce que je souhaiterais dans l'idéal, mais je pense pas que ce soit vraiment possible en termes de logistique. [...] Si c'est le même produit à aller chercher à 2 endroits de différents c'est ça le problème." Elle ajoute : "C'est souvent la logique qui nous restreint" Cette initiative bénéficie d’un financement d’Habitat et Humanisme pour développer des approvisionnements durables, mais le temps que cela nécessite est un frein majeur : "C’est frustrant parce que je n'arrive pas à me dégager assez de temps pour avoir vraiment toute cette réflexion alors qu'on a les moyens financiers."
Une autre limite identifiée à un approvisionnement local et durable concerne les volumes de livraison que les producteurs locaux peuvent fournir aux initiatives. En effet, ceux-ci sont jugés trop faibles et pas assez réguliers par certaines associations : "Aussi, le problème de passer par le producteur c'est qu'on n'arrive pas à voir des grosses quantités non plus, du coup c'est plus pour avoir des beaux légumes… mais ce n'est pas sur eux qu'on peut compter pour vraiment faire tous les créneaux sur une semaine, c'est pas possible" (Escales Solidaires). La 5e saison évoque également cette difficulté logistique de volumes : "Le frein c’est la diversification et le volume d’achat qui est trop faible, il faudrait acheter en plus grosse quantité pour avoir accès à d’autres maraîchers qui vendent en gros ou en semi gros. Donc une cinquantaine de paniers ce serait plus facile pour trouver des producteurs et faire des économies sur les tarifs et les prix." Un salarié de Epicentre partage aussi cette difficulté : "Si on peut limiter au maximum les intermédiaires on va le faire, en bonne intelligence encore une fois parce que ça reste une certaine gymnastique que d'avoir affaire à une vingtaine de fournisseurs."

Le conditionnement et le stockage des produits frais peut aussi être problématique quand l’initiative achète de gros volumes à des grossistes ou des coopératives de producteurs. Un salarié de La Cagette explique : "Pour passer des commandes et avoir un rayon toujours bien rempli, il faut avoir de la capacité de stockage. En fait on a très peu de stockage. Si on pouvait avoir un petit peu plus de stockage pour améliorer nos rotations, pouvoir avoir nos franco c’est-à-dire ne jamais être bloqués parce qu’on doit passer une commande mais qu’on n’a pas assez de place pour stocker et qu’on a des ruptures (de stock) sur certains produits et pas sur les autres… on aurait besoin d’un peu de stock(age) et aussi d’augmenter un peu la gamme pour pouvoir être un peu plus à l’aise."

Les initiatives se tournent donc souvent vers des coopératives comme BioApro à Lyon, des plateformes comme le GESRA/GESMIP qui apportent une solution de mutualisation. Certaines organisent des collectes auprès de magasins spécialisés type Biocoop afin de garder les avantages logistiques et économiques de s’adosser aux invendus de la grande distribution tout en améliorant la qualité des produits proposés. C’est ce que fait par exemple l’Esperluette et ce qu’envisage Vivres Solidaires comme solution provisoire pour diversifier leur offre avant de trouver des financements dédiés à l’approvisionnement.
Pour la grande majorité des initiatives, améliorer leur système logistique est une des clefs pour stabiliser et pérenniser leur modèle.

L’approvisionnement hors du don : des modèles économiques variés qui semblent précaires ou non autonomes


Certaines initiatives interrogées ont fait le choix de s’affranchir complètement du don et de proposer uniquement des produits durables à petits prix. Elles se tournent donc vers des producteurs locaux, des grossistes ou des groupements d’achats qui font le lien avec les producteurs. Ce sont en général des initiatives plutôt ancrées dans leur territoire : des structures soit anciennes, soit soutenues par un réseau fort ou des collectivités territoriales et leurs structures publiques. Par exemple, La Cagette qui est installée sur Montpellier depuis 2015 compte environ 70 fournisseurs locaux en direct.
Les initiatives disposant d’approvisionnements entièrement marchands doivent de fait combler une plus grande différence de prix entre le prix d’achat des denrées et le prix de vente aux usagers. Dans ce cadre, l’autofinancement choisi par certaines initiatives est difficile à atteindre et ne permet parfois pas de toucher un public précaire. Différentes stratégies sont mobilisées par les associations : recours aux bénévoles, aux subventions, etc.

Pour en savoir plus sur les modèles socio-économiques des initiatives et leur pérennité, voir partie .


🔵 Fournir les initiatives - Du côté des producteurs, des motivations d’abord opérationnelles

La logistique de livraison est un enjeu important pour les producteurs. Nombreux sont les producteurs interrogés qui ont évoqué cet enjeu de distribution qui mêle logistique et vente. Par exemple, un agriculteur de la Ferme Urbaine Collective de la Condamine souligne la difficulté à maîtriser la logistique et le débouché : "Se déplacer pour 50 euros c’est embêtant. [...] Des fois entre la logistique et le débouché, ça a beau être simple mais si personne ne vient acheter, ça ne sert à rien. Des fois on se fatigue aussi à tenir des magasins pour rien et vice versa. Et des fois on se fatigue à livrer pour rien". Les producteurs sont donc en recherche de systèmes et de solutions qui pourraient leur permettre de simplifier ce poste de travail. C’est pourquoi le réseau GRAP et VRAC par exemple s’emparent de la question en proposant des solutions de simplification logistique. La mission de GRAP est d'approvisionner des épiceries en produits bio et locaux, en facilitant la logistique pour les épiceries et les producteurs.

L’engagement des producteurs interrogés dans les initiatives d’accès digne à l’alimentation est souvent motivé par des critères opérationnels et logistiques. Le partenariat avec l’initiative doit présenter un avantage pratique et de fait, souvent économique pour le producteur. Certains ont commencé à livrer l’initiative car elle se trouvait géographiquement sur leur itinéraire de livraison. C’est le cas de la Chèvrerie La Joanna qui livre Epicentre : "C’était sur notre route de commercialisation, pour améliorer la rentabilité de notre circuit de livraison". Les deux éleveurs de la chèvrerie trouvent également un intérêt important à livrer l’épicerie car celle-ci sert de point relais pour une autre épicerie lyonnaise “Epi C’bon !”.

Certains producteurs contractualisent avec les initiatives car celles-ci peuvent accepter des produits moins conformes, hors calibre plus facilement que dans les filières de distribution classique. Par exemple, la Ferme de Saint Just a trouvé intéressant le dispositif des paniers de Cocagne Alimen’Terre : "On sait qu'on peut mettre des produits qui ne seraient pas forcément acceptés en magasin, c'est à dire des produits un peu biscornus, un peu moins élégants que ce que vous allez trouver en grande surface". Cette souplesse que l’initiative peut offrir en tant que débouché est un avantage important pour les producteurs qui les fournissent. Elle peut leur permettre de gérer plus facilement des situations d’urgence de commercialisation. Une salariée de la ferme de Saint-Just donne un exemple : "Cela m'est arrivé cette année de les appeler en disant "j'ai 300 kilos d'artichauts, je ne sais pas quoi en faire, je vais les jeter" et eux vu qu’ils font des paniers en fait, ils ont une très grande souplesse. C’est vrai que c’est bien quand on est dans l’urgence comme ça".
Cette souplesse logistique s’accompagne d’une relation d’échange et un dialogue entre les initiatives et les producteurs qui rend possible des arrangements : un producteur peut aider l’initiative en adaptant son calendrier de livraison par exemple et une initiative peut accepter des produits qu’un producteur n’arrive pas à écouler dans son débouché habituel.

Pour certains producteurs, la raison principale de leur implication est d’abord d’ordre opérationnel afin de faciliter la complexité logistique de leur travail. Le côté social de l’initiative n’est qu’un plus : "Au début, ça n'a pas joué dans le souhait de vouloir travailler avec eux, c’était du bonus", explique une salariée d’exploitation.

Pour d’autres, il ne s’agit pas d’un débouché comme un autre. Les producteurs se montrent sensibles à l’action sociale des initiatives qu’ils fournissent et considèrent parfois l’initiative comme un débouché historique. Des motivations plus politiques peuvent alors expliquer l’engagement des producteurs dans de tels projets de solidarité alimentaire. Un paysan de la région de Montpellier est membre de l’association "Les producteurs d’un Monde Nouveau et Solidaire" avec laquelle il souhaite défendre un accès au plus grand nombre à des produits bio en circuit court afin que ce ne soit plus un marché de niche. Avec cette association de producteurs, il remet en question les prix élevés des produits en vente directe : "Du coup, on a des clients qui peuvent se le permettre et tous ceux qui n'ont pas le porte monnaie ne peuvent pas se le permettre ; et ça nous politiquement, ce n'est pas notre vision".

Ces valeurs s’inscrivent dans un engagement plus large qui concerne en premier lieu leurs systèmes de production, leurs pratiques culturales, d’élevage ou leurs choix globaux de gestion de l’exploitation, mais également dans un second temps leurs débouchés. Par exemple, une des lignes de conduite principale de la chèvrerie de la Joanna est de ne pas participer à l'artificialisation des sols et à la spéculation foncière. L’exploitation étant située en zone périurbaine, il s’agit d’un enjeu important du territoire. L’éleveuse témoigne : "Ce qui me touche beaucoup c’est la question de l’accès au logement".

De l’autre côté, des initiatives affirment que leur action sociale est un atout pour s’associer avec de nouveaux producteurs : "Les producteurs avec qui on bosse, ils ont aussi cette sensibilité, ils savent qu’une partie des paniers sont solidaires [...] c’est un atout parce que quand on va voir des producteurs extérieurs en disant qu’on a besoin de carottes, de pomme de terres parce que nous on n’arrive pas à les produire, on trouve plus facilement…" explique une salariée de Cocagne Alimen’Terre.
Si les producteurs s’avèrent sensibles à l’accessibilité de leurs produits, ils trouvent aussi un intérêt logistique et opérationnel à fournir les initiatives. Mais au-delà des motivations qui poussent les initiatives et les producteurs à travailler ensemble, qu’en est-il de leurs relations commerciales ?


🔵 Fixer un prix de vente du côté des producteurs et des initiatives

Une estimation générale des coûts de production, difficile à actualiser au quotidien


Les producteurs enquêtés disposent d'une plutôt bonne connaissance de leurs coûts de production et de leur rémunération horaire. Ils essayent d’avoir une idée la plus précise possible de leurs coûts de production. En général, le calcul précis de ces coûts est effectué au lancement de l’activité par le maraîcher ou l’éleveur. Ils n’actualisent ce calcul que lorsqu’ils arrivent à se dégager le temps nécessaire pour le faire, ce qui peut être plus ou moins fréquent. Pour chaque produit, ils déclarent qu’il faut prendre en compte le coût de revient pour fixer leurs prix. Les producteurs ne nous ayant cependant pas davantage détaillé le calcul de leurs coûts de production, il est difficile de savoir en réalité à quel point ils les maîtrisent.

Certains producteurs interrogés ont suivi des formations réalisées par les AFOCG, les ADEAR ou encore les Chambres d’Agriculture sur le calcul de leurs coûts et la tenue d’une comptabilité. L’exploitante de la Chèvrerie de la Joanna a suivi deux formations de ce type et en est satisfaite. Elle a particulièrement apprécié la fois où il a été possible de récupérer les documents excel avec les chiffres de son exploitation à l’issue de la formation. Néanmoins, ces documents datent de 2015-2016 et n’ont pas été réactualisés depuis : "Ces formations sont bien, mais le frein majeur c’est le temps que ça prend d’actualiser. Ça nécessite qu’il faut comptabiliser son temps de travail et si on veut être de plus en plus précis il faut scinder le temps lié à la production, commercialisation etc. Tout est possible mais après il y a une question de priorisation". Tenir une comptabilité est chronophage or l’éleveuse explique qu’elle doit prioriser les urgences du quotidien. D’autres outils sont mis à disposition des agriculteurs pour les aider sans pour autant devoir suivre des formations. Les maraîchers de la Condamine s’y sont intéressés et peuvent s’en inspirer pour calculer leurs coûts mais ce n’est souvent pas adapté à leur système : "Il y a des fiches sur les chambre d’agris c'est intéressant, ils ont fait ça sur la courgette par exemple. Alors c'est en conventionnel, tout est standardisé c'est à dire que une courgette c'est : un labour, un passage de griffe, un rotovator, ils calculent le temps horaire, combien ça coûte et sur 1000 m² ils considèrent qu’il y a tant de charges. [...] Ils ont fait plein de fiches comme ça qui sont intéressantes, mais que nous on ne peut pas suivre parce qu'en fait on n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur, il y a des travaux qu'on ne fait pas, et d’autres qu’on fait".

L’éleveuse de la chèvrerie de la Joanna exprime la connaissance globale qu’elle a de ses coûts de production : "On a un budget carburant qui est très bas et on produit peu de déchets". Cette estimation régulière leur permet de savoir sur quel “poste de travail” ils peuvent améliorer leur efficience et d’avoir un regard critique sur leur système. Un maraîcher de la Ferme Urbaine Collective de la Condamine affirme : "Notre système est compliqué parce qu'il est ultra diversifié, donc il est cher obligatoirement. On n’a pas d'économie d'échelle en fait, donc tout est forcément un peu plus cher. Quand tu ne fais que quatre légumes, tu es équipé, tu envoies et tu sors des légumes, pour moins cher."

Fiche AFOCG : Les coûts de production en production laitière

Au quotidien, face à la difficulté d’actualiser régulièrement leurs coûts de production, les paysans expliquent utiliser leur comptabilité comme outil de pilotage et d’ajustement de leurs prix. Face à l’inflation, les coûts de production agricole augmentent et les producteurs le ressentent. Ils ajustent donc leurs tarifs à la hausse. "On calcule de manière très difficile les prix. [...] On a eu la logique de tout augmenter de 10 ou 20% cette année, et après on navigue à vue quoi.", explique un maraîcher de la Ferme Urbaine Collective de la Condamine. Pour définir leurs prix, ils naviguent donc à vue en fonction de nombreux facteurs qui ne se limitent pas à leurs coûts de production.


Se plier au marché : “Si je vends plus cher, personne ne me l’achète”


Même si les producteurs ont des outils pour calculer leurs coûts de production, cela ne leur permet pas de décider leurs prix. En effet, les producteurs ne définissent par leurs de manière autonome, ils sont plus ou moins dépendants du marché. Le nombre de producteurs agricoles étant conséquent, on a une atomicité de l’offre. Dès lors, la théorie économique classique explique que les producteurs ne disposent pas ou peu de pouvoir de marché. Ils sont dès lors preneurs de prix. L’éleveuse de la chèvrerie de la Joanna exprime clairement cette notion : "Il y a l’établissement du prix et puis il y a aussi le marché. La construction d’un prix se fait avec nos coûts de production mais aussi les réalités du marché". Puis elle ajoute : "Effectivement si on devait mettre bout à bout je pense que le prix serait plus élevé aujourd’hui mais je ne suis pas sûr qu’on vendrait nos fromages."

Si les producteurs souhaitent vendre, ils sont contraints de suivre les prix du marché qui correspondent à des moyennes, diffusées via des mercuriales. Il s’agit d’un recensement du cours des produits sur un marché. Cela permet d’avoir une idée des prix pratiqués. Néanmoins, si les mercuriales prennent en compte les différents systèmes de production, elles le font de manière insuffisante. Comme l’expliquait le maraîcher de la Condamine, les coûts de production dépendent très fortement des modèles de production. Le meunier du Moulin de la Ribière exprime également cette incohérence : "Celui qui fait 25 kilos de farine à l’heure est obligé d'appliquer le même tarif que celui qui en fait 10 tonnes. Mais c'est comme ça, et nous on est obligé de subir. Matthias Urban de la région de Montpellier se sert notamment des prix des grossistes : "Déjà je regarde régulièrement les prix du grossiste, comme ça je sais combien paye un magasin. Je connais les marges des magasins donc je connais les prix de vente dans les magasins." A plus petite échelle, cette concurrence existe également entre voisins de marché par exemple.
Les producteurs ont donc différentes échelles de comparaison et adaptent leurs prix en fonction de ce qui se pratique autour d’eux : "C'est un mélange de plein de choses. Moi je regarde beaucoup les prix en magasin, on regarde les mercuriales sur les MIN, les prix de gros, semi gros et bio spécialisés, et ma collègue regarde un peu les prix quand elle va à la cagette. Et là-dedans on essaie de faire notre sauce. C'est pas évident."

Par ailleurs, les prix du marché évoluent au cours de l’année en fonction des saisons et du niveau de la demande. Les producteurs savent qu’à une certaine période de l’année, ils pourront vendre plus cher leurs produits. La Ferme de la Condamine détaille : "On a plein de critères : on a des critères de rareté, quand on a quelque chose qu'on a pas beaucoup, ça va être plus cher, quand quelque chose qui est plus difficile à faire ça va être plus cher, quand c'est primeur, ça va être plus cher. Par contre, le vice versa de ce truc là, c'est que les courgettes primeurs elles sont chères, et quand on va déborder de courgettes en juin/juillet, on va les vendre beaucoup moins cher." Et Matthias Urban ajoute : "Souvent au départ tout le monde veut vendre à un moment donné, et arrivé à la fin de la saison il n'y a plus rien donc les prix remontent".


L’accessibilité, une sensibilité qui joue sur la fixation des prix


  • Leur propre “consentement à payer”

Parfois, les producteurs adaptent en partie leur prix en fonction de leur propre consentement à payer. Ce concept de micro-économie correspond au "prix maximum qu'un acheteur consent à payer pour une quantité donnée d'un bien ou d'un service" (Kalish et Nelson, 1991 ; Kohli et Mahajan, 1991 ; Wertenbroch et Skiera, 2002). Ici, le producteur se met dans sa propre subjectivité de consommateur. Quelques agriculteurs interrogés l'expriment clairement comme Matthias Urban : "Si un grossiste m’achète mes potimarrons à 2€50, dans un magasin ça va se vendre à plus de 5€, je ne peux pas accepter, [...] je ne veux pas que mes courges se vendent uniquement à des ultra riches". Plus direct, le meunier du moulin de la Ribière assure : "J'applique le tarif qui me semble être honnête, je veux voler personne." On retrouve dans ces deux témoignages une démarche militante et éthique. Le consentement à payer est très personnel et s’ajoute à leur bonne connaissance des prix du marché. Dans la définition du prix, le consentement personnel à payer du producteur se traduit par une forme de consentement maximal à vendre.

  • Une sensibilité globale à l’accessibilité

Les producteurs interrogés ont souvent exprimé une sensibilité à l’accessibilité de leurs produits. Par exemple, l’agriculteur de la Ferme Urbaine Collective de la Condamine affirme : "Il y a clairement une sensibilité sur ça. Depuis le début, on cherche à faire des légumes pas très chers". Un autre producteur engagé de la région montpelliéraine plaide pour l’accessibilité des produits de qualité en circuits courts : "On essaie de ne pas être plus cher que les magasins. Pourquoi est-ce qu’un client va aller chez les producteurs si ce n'est pas pour avoir des produits un peu moins cher ? Je ne trouve pas ça logique, on essaye de faire le contraire. Chez les producteurs, ça devrait être un peu moins cher et de meilleure qualité. Tous les avantages doivent être chez les producteurs. On essaye réellement d'être un petit peu moins cher ou au même niveau que les magasins".

Tous les agriculteurs sont donc face à de multiples facteurs qu’ils doivent prendre ou prennent naturellement en compte pour fixer leurs prix. Ils composent donc entre le prix qui leur permettrait de couvrir leurs frais de production, le prix auquel ils peuvent effectivement vendre sur le marché en fonction de la concurrence locale et des mercuriales et leur propre sensibilité ou leur engagement personnel. De tous ces paramètres dépendent la rémunération qu’ils pourront se verser à la fin du mois. Or, cette rémunération peut servir de "variable d’ajustement" pour avoir des prix bas.


Vivre de son métier ou sacrifier sa rémunération horaire ?


Cette volonté d’accessibilité a donc des limites. Même si les producteurs cherchent à appliquer des tarifs "honnêtes", comme l’expliquait le meunier du moulin, ils doivent aussi penser à leur rémunération personnelle. Un maraîcher explique : "En fait moi ça fait que deux ans, mais là mes collègues ça fait cinq ans sans salaire, enfin là un tout petit salaire depuis deux ans, et on voit bien que toutes nos charges augmentent. On a une éthique très très forte, on essaie d'être des maraîchers sur sol vivant, ça implique beaucoup de travail supplémentaire et de réussite aléatoire, du coup nos prix, derrière, il faut que ça suive quoi. Et on se compare à des gens qui ont pas du tout le même système que nous et c'est compliqué de s'aligner sur des prix, alors qu'ils ont pas le même système. Donc c'était une valeur forte l'accessibilité, puis ça a un petit peu changé. On va essayer de se faire des salaires et après on verra quand on sera arrivé à ce point de… On ne veut pas arriver avec 4000€ par mois mais quand on sera arrivé à ce point de respect de nous-mêmes." Le besoin de dégager une rémunération décente est un enjeu de pérennité de leur activité. Une agricultrice témoigne, en pensant à la transmission de sa ferme : "Pour que la ferme perdure, il faut qu’il y ait un revenu minimum. [...] En termes de rémunération horaire on est entre 3 et 5 euros, et je pense qu’il faudrait être au moins à 8-10 euros de l’heure pour la transmission de l’exploitation".

L’engagement militant - aussi fort soit-il - ne dispense pas non plus du besoin de se rémunérer pour vivre : "Si moi je gagne 5€ de l'heure, je suis content parce que je fais 80 heures par semaine… (Il réfléchit) Je ne gagne même pas les 5€ parce que sinon avec 80 heures par semaine, je serais riche. Mais le boulot, je veux bien le faire, je m'amuse là-dedans et donc je veux créer quelque chose où je peux montrer que le monde peut fonctionner autrement. Mais parfois, quand je vois que partout ailleurs c'est plus cher que moi, je peux faire une marge légèrement plus élevée parce que j'ai besoin de grappiller quand même aussi un peu à droite et à gauche pour trouver mon équilibre."

Néanmoins, pour pouvoir vendre à des prix "acceptés", le premier levier utilisé par les producteurs est la minoration de leur rémunération horaire. Face à l’inflation, c’est ce que les éleveurs de la chèvrerie de la Joanna mettent en place : "Pour cette année 2022 on doit faire face à l’inflation alors pour l’instant ça fait deux mois qu’on a joué sur notre rémunération horaire." Suite à l’augmentation de leurs coûts, certains producteurs préfèrent parfois vendre à perte plutôt que de ne pas vendre : "Typiquement cette année, il y a des produits sur lesquels j’ai baissé mes prix alors que tout a augmenté. Donc je sais très bien que je les vends à perte. Mais si je ne les vends pas à perte je ne les vends pas du tout, ça permet quand même une rentrée d’argent".

Voir si je trouve pas un petit encart pour le wiki : “Se protéger de l’inflation: les systèmes économes et autonomes”

Modifier son système de production : un levier pour assurer une meilleure rémunération et baisser ses prix ?

Pour améliorer leur rémunération, l’augmentation de leurs prix n’étant pas une option, un maraîcher de la Ferme Urbaine de la Condamine pense à adapter le système de production : "Il y a plusieurs leviers. Moi je pense que de l'économie d'échelle, de la mécanisation est un petit peu obligatoire. La méthode Fortier (du bio-intensif sur petite surface) là, c'est une méthode du Québec, sur 5000 m² ils sortent un peu plus que ce qu'on a fait nous. Donc il y a d'autres modèles qui sont possibles, je ne dis pas que c'est le seul modèle possible, mais avoir des semences très productives, aller vite dans nos itinéraires… c'est les moyens de nous dégager du temps pour produire plus et faire autre chose quoi." Les deux éleveurs de la chèvrerie de la Joanna sont également à la recherche de gains "d’efficience" dans leur travail : "On fait des plans de trésorerie prévisionnels, on reporte des investissements, on augmente encore vraiment l’efficience. Pour l’instant, en observant le marché et nos clients et le type de clientèle qu’on a, on a choisi de ne pas augmenter nos prix". À plus long terme, ils souhaitent pouvoir augmenter leurs salaires en adaptant leur système et s’interrogent si cela sera suffisant : "C’est principalement par les compétences, pas forcément en travaillant plus, mais en améliorant l’efficience. Ce ne sera surement pas suffisant, il y aura aussi la société".
Pour certains, il s’agit de prouver que produire dans des conditions durables des produits de qualité, les vendre à prix accessibles tout en vivant décemment est possible : "Même si on se fatigue, on s’abîme un peu, à côté de ça il y a plein de bons côtés et j'ai envie que cette ferme ça ne résonne plus comme un échec mais que ça résonne plutôt comme quelque chose qui tourne. Qu'importe si ça doit tourner un peu avec de l'événementiel, le modèle à la limite c'est pas très grave, mais qu'on sache que les quatres maraîchers, ils s'en sortent quoi, ça me ferait plaisir." La diversification des activités est en effet un levier utilisé parfois par les producteurs pour atteindre un équilibre financier.

Fiche CIVAM - Revenu du paysan : De quoi parle-t-on ?
La plupart du temps, les producteurs ajoutent le coût de la livraison à leur tarif qu’ils ont fixé. Ce coût va dépendre de la distance à parcourir et des quantités livrées qui, si elles sont importantes, peut permettre d’amortir le coût du déplacement par des économies d’échelle. Par exemple, la chèvrerie de la Joanna a mis en place trois tarifications : une pour la vente directe où ils n’ont pas de coût de livraison, une tarification qui dépend de la localisation et des étiquetages et une troisième tarification créée en 2022 dite “intermédiaire” pour les livraisons de moins de huit kilomètres et disposant d’un emballage “facilité”. A Montpellier, un autre exploitant adapte aussi ses prix en fonction des volumes : "Se déplacer pour 50 balles, c'est embêtant. Donc si vous ne voulez pas beaucoup, c'est assez cher et dès que vous dépassez une certaine quantité ça baisse." La commerciale de la Ferme de Saint-Just explique aussi : "Quand ils nous prennent des produits ils prennent des gros volumes et du coup on fait un tarif préférentiel." Sans surprise, le coût du transport est amoindri lorsque des économies d’échelle sont réalisables.

Comme présenté dans la première partie, la motivation principale des initiatives interrogées dans la relocalisation de leurs approvisionnements est de favoriser l’accès à une alimentation de qualité. La réflexion sur les prix commence donc à partir du prix de vente qu’elles souhaitent proposer au public visé et en particulier à des consommateurs avec des ressources économiques restreintes. Les initiatives vont également penser leur modèle socio-économique en fonction de ces paramètres.

Le prix de vente dépend du public visé et du modèle socio-économique


Certaines organisations visent entre autres un public avec très peu de ressources, comme par exemple Vivres Solidaires : “On est vraiment sur des familles qui ne choisissent pas du tout leur alimentation, qui vivent de ce qu'on leur donne [...] qui n'étaient pas suivie par des travailleurs sociaux, et qui n'avaient pas les moyens financiers de mettre 2, 3 ou 4€ dans un colis payant.” Dès lors pour ces structures, il s’agira de fixer des prix très bas afin qu’ils demeurent accessibles pour le public visé. D’autres souhaitent toucher un public moins précaire mais avec des ressources limitées (ex : La Cagette) et souhaitent améliorer l’accessibilité économique de leurs produits.

Des associations portent le souhait de ne pas demander de justificatif de revenus aux personnes qu’elles aident. D’autres le demandent mais confient cette tâche à des structures sociales qui sont habilitées pour le faire. Une chargée de mission de l’association Cocagne Alimen’Terre dit : “Il fallait qu’on s'appuie sur des structures sociales qui font ce travail là, qui connaissent les bénéficiaires et qui connaissent les familles à qui ça pourrait être utile. [...] CCAS, centres sociaux, certaines épiceries, c’est à eux de dire à qui ils proposent les paniers.”

Le modèle socio-économique d’une association peut-être défini comme “la structuration des moyens au service du projet associatif” (Les modèles socio-économiques des associations : spécificités et approches plurielles, Mathilde Renault-Tinacci page 109). Les associations et organisations mobilisent une grande diversité de ressources/stratégies qui dépassent les moyens financiers pour mettre en œuvre leur projet.

Voici une présentation brève des modèles socio-économiques des initiatives étudiées :

Image tableau

Ce tableau a été élaboré à partir des entretiens de l’enquête, c’est pourquoi il peut être incomplet. En revanche, il permet d’avoir une idée des stratégies utilisées par les initiatives pour équilibrer leur modèle socio-économique :
  • La mixité des publics et l’adhésion de clients solidaires
  • Des financements publics (France Relance, politique de la ville, subvention, CAF, AAP des collectivités et de l’Etat, etc.) et privés (mécénat d’entreprises, fondations, banques, etc.)
  • Le bénévolat et le recours à des services civiques, stagiaires, emplois aidés, etc.
  • La diversification des activités de l’association (activités de production, insertion par l’activité économique, location de locaux, organisations d’événements, etc.)

Dans la plupart des cas, comme l’explique un chargé de mission d’une collectivité : “le prix payé par l'usager n’est pas du tout le coût de revient.” On remarque que les initiatives qui font appel à beaucoup de financements extérieurs, de bénévolat, ou celles qui diversifient leurs activités peuvent toucher un public précaire. L’accessibilité est plus difficile à atteindre lorsque l’initiative choisit de privilégier l’autofinancement et repose sur moins de bénévoles. Les associations comprennent que pour sortir d’une clientèle de niche et compenser la différence de prix, il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur d’autres types de financements et subventions, sur des formes de solidarité permettant de réduire certains coûts (ex: le bénévolat) ou sur une diversification importante des activités. En fonction de leur modèle, les initiatives peuvent donc proposer des prix de vente plus ou moins bas aux consommateurs et il en est de même pour la fixation des prix d’achat des denrées auprès des fournisseurs. Les initiatives qui ont d’importantes subventions pour l’aide alimentaire peuvent accepter des prix plus élevés.

Une fixation des prix qui va dépendre des fournisseurs


Quelques initiatives assument leur stratégie de négocier plus avec les grossistes qu’avec les producteurs locaux. En effet, c’est avec des commerciaux de grossistes qu’elles sont le plus souvent en contact pour négocier les prix. Le salarié de La Cagette décrit la situation : “T’as des relations qui sont différentes avec chaque type de fournisseur, où les petits on essaye toujours d’être sympa et les gros on va commencer à être en négo un peu plus… enfin on essaye quoi c’est pas notre métier. Tu vas avoir des grossistes, en gros tu vas être en face d’un commercial. Le commercial son but c’est de te vendre des produits chers et pour le dire trivialement « de te la mettre à l’envers », ben nous on va jouer le même jeu quoi… alors qu’avec les petits producteurs on sait ceux qui sont en galère, on va essayer de ne pas trop les enfoncer”. Epicentre a la même stratégie qui lui permet même de réduire les marges qu’il applique avec les producteurs locaux : “Pour les grossistes on a un système de marge standard qu'on peut retrouver dans n'importe quelle épicerie bio, on est pas loin des 30%. Du coup on a moins de marge pour tous les fournisseurs locaux, parce que encore une fois la démarche c'est qu'on a envie de mettre en avant et de porter les fournisseurs locaux, de les aider.” Les initiatives s’autorisent la négociation avec les grossistes alors que, comme détaillé dans la partie suivante, elles souhaitent l’éviter avec les producteurs locaux qui les fournissent en direct.

Le franco de port est le coût de la livraison pris en charge par l’envoyeur et non le destinataire. Pour les initiatives qui commandent des volumes importants (montant élevé), cet élément est essentiel car au-delà d’un certain montant, elles n’ont plus à charge le coût du transport.

Au delà du prix, une volonté de flexibilité avec les producteurs locaux


Comme illustré dans la partie II, une des motivations principales de l’implication des producteurs dans les initiatives enquêtées est la souplesse, soit de leur modèle, soit de l’interlocuteur avec qui elles échangent. Les organisations ont globalement une conscience de la situation précaire des agriculteurs. Elles souhaitent leur offrir une flexibilité et pouvoir ainsi les aider dans leur organisation et leurs revenus. La plupart des initiatives ne signent d’ailleurs pas de contrat avec les producteurs locaux en direct, alors qu’elles peuvent en signer avec les grossistes pour encadrer l’acte commercial. Le fondateur de la Drogheria développe la raison de ce choix : “On n’a pas de contrat. On a un contrat moral, on les fait travailler et eux nous font travailler. On est contre l'idée de signer un contrat parce que les engagements ne vont pas avec les aléas météorologiques, avec des maladies, avec les soucis des producteurs. C'est un engagement moral : on leur garantit qu’on travaille avec eux toute l'année, et on leur garantit une flexibilité qui pour nous demande de réorganiser le travail. On essaie de les laisser le plus possible dans leur champ d'action.”
A la 5e Saison, la volonté des bénévoles est d’assurer à la fois des prix fixés par le producteur et une loyauté envers lui : "On voulait être solidaire en même temps des gens qui n’avaient pas forcément les moyens de se payer à manger mais aussi des producteurs. [...] dans une volonté d’établir une relation avec eux : “tu me fais le prix que tu veux et on va rester ensemble.” Certaines initiatives adaptent leur marge en fonction des fournisseurs, en faveur des producteurs locaux : "On a défini la marge standard qu'on peut faire et après on s'est dit qu’on mettrait moins de marge avec les fournisseurs locaux." Cette volonté forte de soutenir les producteurs est essentielle car elle conditionne les échanges que les deux parties auront autour du prix et la négociation qui aura lieu ou non lors d’une transaction.

🔵 La rencontre entre les producteurs et les initiatives : Quelle négociation des prix ?

Ce sont plutôt les initiatives qui sont en position de négocier, d’accepter ou non le prix des producteurs. L’engagement des initiatives fait qu’elles ne souhaitent jamais négocier les prix et qu’elles essayent la plupart du temps d’arranger les producteurs, soit en termes logistique, soit économique. La négociation ne prend donc pas la même forme que sur le marché “classique” avec une négociation commerciale “dure”. Cependant, elle peut parfois s’en rapprocher car les initiatives sont par ailleurs contraintes par leurs propres modèles et réalités socio-économiques.

La plupart du temps, les initiatives font le “premier pas” au moment de leur lancement. Ensuite, une fois qu’elle est plus ancrée sur le territoire, ce sont soit des producteurs - qui ayant entendu d’autres agriculteurs évoquer le débouché que constitue l’initiative - les contactent, soit les initiatives continuent de rechercher de nouveaux partenariats possibles. Un salarié d’une épicerie solidaire explique : “C'est beaucoup finalement d'opportunités… soit le producteur il passe la porte, on goûte ses produits, on échange avec lui, on trouve le projet trop bien, on a envie de le soutenir, le lien se crée et quelques fois on peut aussi, nous, aller justement en rechercher, on appelle les autres épiceries, on leur demande avec qui ils bossent en terme de producteur local parce qu'on a peut être un besoin sur tel produit et donc ils nous donne des contacts.” Les acteurs publics locaux peuvent également créer du lien et organiser des rencontres entre professionnels et producteurs. Ce sont parfois les bénévoles qui dans leurs activités personnelles parlent de l’association, de leurs projets, notamment à des producteurs comme cela a été le cas pour les Escales Solidaires. Une chargée de mission détaille les rencontres avec leurs producteurs : “Un que nous avons rencontré lors d'un événement organisé par la mairie de Lyon justement, pour que les professionnels de la restauration rencontrent les producteurs. En général les producteurs étaient là pour diversifier leur méthode de distribution, en gros ils étaient souvent présents sur les marchés ou en vente directe aux consommateurs et ils souhaitaient justement diversifier leur offre pour pouvoir accéder au marché des restaurateurs. Donc on en a rencontré un lors de cet événement là et l'autre personne qu'on a rencontré c'est grâce à nos bénévoles qui font leurs marchés, qui ont rencontré ce producteur et qui lorsqu'ils ont parlé qu'ils étaient bénévoles aux escales solidaires il s'est directement proposé pour nous…”

Pour faire le premier pas, quelques initiatives ont été épaulées par des structures d’accompagnement agricole. C’est le cas de Cocagne Alimen’Terre et de la Collectivité de l’Etang de l’Or qui se sont rapprochées des CIVAM en l'occurrence, pour se renseigner sur les productions du territoire et faire appel à un groupe de producteurs.
La négociation du prix pour le “tirer vers le bas” est rarement souhaitée par les initiatives. Les membres des associations portent le projet d’assurer une meilleure rémunération aux producteurs que dans les circuits conventionnels. En effet, dans la majorité des cas, les initiatives demandent aux producteurs de proposer un prix, et la négociation commence à partir de là. Qu’elles aient une bonne connaissance ou non du monde agricole, elles s’intéressent aux problématiques alimentaires et ont donc conscience de la précarité des agriculteurs. Un salarié d’Epicentre affirme : “On ne veut pas venir casser les prix, on ne veut pas venir négocier des prix”. Certaines personnes racontent leur difficulté à négocier : “Ce n’est pas trop notre fort la négociation, on est plutôt généreux.”, indique un bénévole d’une initiative montpelliéraine. A propos de la négociation, un salarié de La Cagette déclare : “Ce n’est pas notre métier”. Les personnes qui sont en position de négociation dans les initiatives ne sont pas formées à cela, elles ne se sentent pas outillées et essayent alors de l’éviter.

Des prix fixés par les producteurs ou les initiatives et acceptés par l’autre partie

De fait, dans certains cas, les prix sont donc acceptés tels quels par les initiatives ou producteurs.
Quelques producteurs interrogés ne perçoivent pas de négociation de la part des initiatives car ils proposent parfois un prix qui est tout de suite accepté. Un exploitant Lyonnais présente la façon dont cela s’est passé avec l’épicerie qu’ils fournissent : “On leur a présenté une grille de tarifs qui est la même pour tout le monde. On a pas diminué nos prix parce que c’était une épicerie solidaire.” L’éleveur interrogé n’adapte pas son prix non plus en fonction du type de débouché.
Les prix sont parfois cadrés par une structure via des grilles de tarifs et l’initiative propose un prix que le producteur accepte : “Il n’y a pas de négociation dans le sens où ils ont une grille de tarifs”. Ici non plus, le producteur ne perçoit pas de négociation.

Une des initiatives interrogées qui dispose de plus amples marges de manoeuvres financières lui permettant de ne pas négocier les prix proposés par les producteurs : “Maintenant qu'on a la subvention, c'est vrai qu'on n’a pas à négocier très fortement les prix, du coup on essaye toujours d'adapter le prix en fonction de ce qui eux les arrange aussi donc ça c'est assez confortable. On a pas l'impression de négocier pour eux les mettre dans une situation un peu compliquée donc ça c'est vrai que c'est assez chouette”.
Même si les initiatives ne souhaitent pas négocier avec les producteurs, elles sont elles-mêmes confrontées à leurs réalités économiques et de fonctionnement. Par ailleurs des producteurs qui livrent la même initiative peuvent se retrouver en concurrence. Dans ce cas, l’initiative peut avoir des difficultés à gérer la situation et cela peut avoir une incidence sur les producteurs et créer une forme de concurrence. Cette concurrence peut mener à l’apparition de formes de négociations non identifiées comme telles.

  • Refus de produits “trop chers” - les prix peuvent parfois être revus ou négociés

Quand les initiatives fixent un prix, celui-ci peut être “rediscuté au fur et à mesure” comme l’indique un bénévole de la 5e Saison. Comme les producteurs, les initiatives se réfèrent aussi à des mercuriales de prix ou alors comparent entre les producteurs qui leur vendent les mêmes produits. “Pour tout ce qui est construction du prix on se positionne sur un prix vente directe bio. Ma référence c’est la mercuriale agrimer des grossistes bio”. Cette comparaison fait que parfois les initiatives refusent des produits car “trop chers”. Cocagne Alimen’Terre reste flexible mais se retrouve parfois face à des situations où elle a dû baisser les prix et trouver un compromis : “ça m’est arrivé une ou deux fois de dire à un producteur avec qui on n’avait pas planifié qui m’appelait ponctuellement en me disant “je croule sous les poireaux, est-ce que ça t’intéresse, je te les vends 4€ le kilo ?” : Si j’applique une marge de 30%, parce que malgré tout je suis obligée de prendre une marge, le poireau à 5€, non. Et du coup il y avait ce débat : “Qu’est-ce qui te permet de dire que le poireau à 4€ est trop cher ?” “ben je sais que la moyenne des poireaux vendus en vente directe est de tant, donc là on est vraiment trop en dehors.”” La solution a été de partager l’effort, en réduisant la marge des deux côtés. D’autres producteurs ont participé au “débat”, explique la chargée de mission de l’association : “La discussion s’est engagée avec d’autres producteurs qui disaient « moi le poireau je le sors à 2€50, je ne vois pas pourquoi il serait à 4€ chez toi » et là on est rentré dans le débat « mais toi t’es mécanisé, moi non… »” Ici, les parties ont eu la possibilité d’expliquer leurs contraintes respectives et cela facilite le dialogue et la compréhension des décisions.

Les producteurs sont en concurrence avec les autres producteurs qui vendent les mêmes produits qu’eux. Dans un partenariat en particulier, une initiative envoie un prévisionnel au début de chaque année aux producteurs qui le remplissent avec les quantités qu’ils peuvent leur vendre, puis l’initiative répartit les lots entre les producteurs. Cela permet de fixer les prix “de base” et le budget annuel même si les prix peuvent varier par la suite. Le maraîcher détaille un exemple concret : “Typiquement, on a fait des prévisionnels et on a dû baisser notre prévisionnel pour contenter xx (l’autre maraîcher qui fournit l’initiative) parce qu'il estimait qu’il avait planté tant de courgettes pour xx (l’initiative) et qu’il voulait leur vendre. Et donc nous, on a dû réduire notre chiffre d'affaires. On leur avait proposé 25 000 de chiffre d'affaires, on va être à 22 000 donc nous ça nous embête un peu. Comme on a un peu changé d'état d'esprit et qu’on a envie de se tirer des salaires, des fois on boude un peu sur cette concurrence. Il y avait sept maraîchers à fournir l’initiative et on n’est plus que trois … moi je ne critique pas parce que je peux comprendre la volonté de faire accéder les gens à du bio pas cher, mais je trouve que ça ne correspond pas totalement aux valeurs de xx (l’initiative). ça fait quand même deux tiers des producteurs qui ne sont pas rémunérés et c'est en partie dû au fait qu'on a des prix pas assez chers.” Cette concurrence s’explique par le fait que l’initiative, s'auto finançant entièrement, n’est pas en capacité de combler la différence entre prix d’achat et prix de vente accessible. L’initiative « est engagée dans une accessibilité au prix, elle est tiraillée mais tend très clairement vers le prix le plus bas pour faire accéder… » explique le maraîcher. De son côté l’initiative présente ses contraintes et son point de vue : “Pour les petits producteurs locaux il y a souvent un peu des concurrences entre producteurs. Je pense aux maraîchers notamment, ils vont avoir tous les mêmes productions aux mêmes moments de l’année et on va en prendre souvent chez le plus gros qui vend le moins cher, au détriment des plus petits qui vendent cher.” L’objectif est que les clients puissent acheter les produits. En parlant des maraîchers, ce même salarié ajoute : “ils sont aussi dans un magasin où il y a des gens qui vendent les mêmes produits qu’eux en général donc s’ils nous vendent des trucs hyper cher, nous derrière on ne les vend pas.” Les initiatives sont donc aussi confrontées à cette question : “Si je vends plus cher, personne ne l’achète”.

Des partenariats avec des producteurs sont parfois rompus par les initiatives, pour cause de tarifs ou d’une qualité de produits qui ne conviennent pas, de contraintes logistiques ou encore de mauvaises ventes. Un salarié d’une épicerie explique : “Quand on peut faire des commandes on a un peu plus la main, s’il y a un produit qui ne nous plaît pas on ne va plus le recommander. [...] On reste une épicerie donc on a vraiment une casquette épicerie, s’il y a des produits qui ne marchent pas malheureusement… C'est un travail qui est quotidien, on est attentifs au flop comme au top.” Quelques initiatives n’éprouvent pas de difficultés à trouver d’autres fournisseurs qui conviennent mieux à leur modèle, elles peuvent donc se permettre d’abandonner des partenariats pour commander le produit qu’elles souhaitent auprès d’un autre producteur.

Cette concurrence est particulièrement présente dans les initiatives où l’approvisionnement en local représente des volumes importants. Certaines initiatives n’ont pour l’instant pas affaire à ces problématiques mais craignent devoir négocier un jour : “ça nous est arrivé une fois que nos deux producteurs proposent le même produit mais on s’est débrouillé. [...] C’est bien tombé mais ça aurait pu être un peu plus chiant. Souvent on a essayé d’équilibrer… Je pense que c’est bien qu’on n’ait pas eu plus ce problème parce qu’on n’aurait pas forcément été très très bon dessus”. Une autre initiative ne saurait pas non plus comment gérer cette situation : “En général, ils ne me proposent pas les mêmes choses du coup je ne saurais pas dire… S’ils me proposent la même chose, je ne saurais pas qui prioriser, si je priorise le prix ou… en plus ils n’ont pas la même technique de production. Il y en a une qui est vraiment à petite échelle, c'est tout bio, incroyable et l'autre c'est un peu plus culture raisonnée on va dire mais c'est pas la même qualité en soi du coup si je priorise le prix je prioriserais forcément le 2nd.”
Parfois, un jugement des modèles de production peut être exprimé par les salariés ou bénévoles des associations. Par exemple, une initiative explique les prix élevés de certains producteurs par le fait qu’ils sont “mal organisés”. Dans son discours, la personne compare un modèle de maraîchage diversifié sur petite surface à un modèle de production à plus grande échelle.

  • Un “effort” est parfois attendu du producteur

Les membres des initiatives qui discutent avec les producteurs peuvent parfois exprimer l’attente ou le souhait d’un effort de la part des producteurs. Certains membres d’une initiative trouvent les prix des producteurs et expliquent : « ils pourraient nous faire un prix, on est quand même dans de la solidarité… ». Pour eux, les agriculteurs devraient diminuer leur tarif pour en quelque sorte faire “un don” à l’association et être eux aussi “solidaires” des personnes bénéficiaires. Cet effort est demandé par des bénévoles et cela peut s’expliquer par le fait qu’eux-mêmes s’investissent “gratuitement” dans le projet.

Il est aussi parfois attendu du producteur qu’il soit souple et arrangeant, comme les initiatives (voir partie “flexibilité”). L’effort peut également se traduire par un don d’invendus des producteurs ou des tarifs préférentiels. Nombreuses sont les initiatives qui évoquent le fait que les producteurs leur font parfois “des tarifs préférentiels”. Cet effort n’est pas demandé par l’initiative, il s’agit plutôt d’un souhait.

Cette négociation peut également dépendre de l’interlocuteur qui est en contact avec les producteurs car dans beaucoup de cas, plusieurs personnes s’occupent de gérer les approvisionnements locaux. Les personnes interrogées n’étaient pas sûres de la manière dont leurs collègues négocient les prix et les commandes. Au cours de leur développement, certaines initiatives ont décidé de dédier un poste à cette gestion des fournisseurs pour améliorer le lien direct et la fluidité des échanges avec les fournisseurs.
Dans certains partenariats, la concurrence et la négociation sont mieux vécues grâce à une discussion en amont. Cette discussion s’accompagne parfois d’une planification avec les producteurs en fonction des besoins de l’initiative à chaque période de l’année. Deux initiatives ont organisé la construction d’un groupe de producteurs.

Cocagne Alimen’Terre a opté pour cette stratégie : “Je n’ai pas imposé un prix, ils se sont mis d’accord entre eux, par contre ils ont harmonisé les prix entre eux, et après moi j’avais quand même le regard de dire : ”je sais que pour le consommateur il ne faudra pas dépasser tel prix”, sachant que nous, sur tout ce qui est achat/négoc, on a clairement exposé qu’on prenait 30% de marge. Donc voilà on a fait les calculs entre les prix que proposaient les producteurs et les 30% de marge, est-ce qu’on était sur un prix acceptable ou pas. Et en l’occurrence, à aucun moment j’ai dû arbitrer à chaque fois le prix proposé par le producteur m’allait bien et on s’est alignés.” Dans ce partenariat, l’initiative a organisé une planification lors de réunions avec tous les producteurs qui pouvaient répondre à sa demande : elle leur a présenté les besoins en volumes pour chaque produit et par saison, les tarifs qu’elle pouvait leur proposer, afin qu’ils se positionnent sur un lot et qu’ils se mettent d’accord entre producteurs sur un prix. La négociation est ainsi plus fluide car les tarifs sont fixés et surtout décidés ensemble. L’assistance commerciale d’une exploitation de la région toulousaine félicite la méthode adoptée par Cocagne Alimen’Terre : “En fait, les prix avaient déjà été validés les années précédentes. On s'est retrouvés tous là et chacun a annoncé ses prix. Moi j'ai trouvé ça très bien parce que très transparent.” Avec ce système, la concurrence est limitée puisque, même si les prix sont fixés à partir de mercuriales, ce sont les producteurs qui décident de leurs prix ensemble. Les producteurs proposent parfois des tarifs préférentiels liés aux volumes qu’ils vendent à l’initiative. “C'est des partenaires qui comprennent l'enjeu pour nous de gagner de l'argent quand on vend un produit tout simplement, et donc qui acceptent de payer un petit peu plus cher. Et en même temps, comme on leur vend en gros volumes c’est forcément moins cher que pour d’autres”, explique la salariée de l’exploitation. Dans ce cas, le tarif préférentiel n’est pas forcé ou demandé par l’initiative, cela vient de la volonté des producteurs.
La transparence est un élément très apprécié des producteurs. Un autre producteur apprécie le système de marge fixe appliqué par l’initiative qu’il fournit : “Ils ont un système avec une marge qui est fixe, qui est assez basse [...] donc nous ça nous plaît.”

Créer un groupe de producteurs pour approvisionner la restauration collective

Une autre initiative, en lien avec la restauration collective, a mis en place cette méthode de construction d’un groupe de producteurs organisé pour répondre à une demande, en l'occurrence un appel d’offre pour une collectivité. Le contexte de la restauration collective est particulier mais la démarche de construction d’un groupe de producteurs est intéressante. “Il y a quelques années, on a fait un petit appel à projet et on a demandé à FR CIVAM et CIVAM Bio d'identifier des producteurs potentiellement intéressés par la restauration collective à proximité. On les a réunis pour échanger, faire tomber des idées reçues sur la restauration collective. [...] Ensuite on s'est dit, vu le nombre de producteurs qui étaient intéressés et avec qui on pouvait travailler, sachant qu'on avait typiquement une productrice de glace à base de lait de brebis, bon, c'était des tarifs qui n’étaient pas possible… Donc on a sélectionné le groupe sur quatre maraîchers et un arboriculteur.” Du fait de bons partenariats avec Biocoop Restauration et de relations de confiance dû au fait que la personne qui travaille à la collectivité a longtemps travaillé avec les équipes de Biocoop Restauration, ils ont pu signer un accord : “Biocoop Restauration, dans une logique de structuration de filières, nous autorisé pour la durée du marché à parfois, quand on le souhaite et quand c'est possible, acheter nos courgette bio par exemple directement auprès des maraîchers du GIEE pour la partie plaine et on continue à les acheter à Biocoop Restauration pour la partie littorale.” En effet, dans cet accord intervient également le fait que Biocoop Restauration, pour des raisons notamment de volumes, est en capacité de fournir les cuisines de la plaine mais pas celle du littoral. Le salarié complète son explication : “On a pris leur calendrier de production et on leur a proposé un calendrier d’approvisionnement. On a donné une visibilité à un an à l’avance. [...] À terme c’est ce qu'on espère là pour l'automne 2022, que nous on fasse un lot spécifique dans notre nouveau marché « produit issu du maraîchage bio » et qu’ils se positionnent et potentiellement qu'ils soient retenus.” Le CIVAM Bio accompagne la structuration administrative du GIEE et la fixation d’un prix du groupe de producteurs. Ce prix est cadré par la grille de Biocoop Restauration car l’accord repose sur le fait que la collectivité ne doit pas faire concurrence à l’entreprise.

Dans ces deux cas, malgré des contraintes différentes, la négociation demeure organisée. Les producteurs se concertent et un espace de discussion autour du prix est créé à la fois entre les producteurs et les initiatives, mais aussi entre producteurs. La planification des besoins et des commandes avec les producteurs est également un élément clef utilisé par ces deux structures car elle permet aux deux parties d’avoir une visibilité sur une longue période. Cela permet aussi aux producteurs de discuter de leurs pratiques agricoles.
➡ Il y a donc rarement de méthode définie d’objectivation et de négociation des prix, que ce soit du côté des porteurs d’initiative ou côté agriculteurs y compris en circuits courts, contrairement à ce qu’on pourrait penser. La “solidité” des modèles ainsi que la présence de financements extérieurs permettent de moins négocier les prix avec les producteurs.

🔵 La pérennité des modèles socio-économiques : florilège de témoignages de celles et ceux qui travaillent pour la solidarité